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RDUE - Règlement européen contre la déforestation et la dégradation

14/11/2024



Le règlement européen relatif à la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE) devait initialement entrer en vigueur le 30 décembre 2024, imposant aux entreprises de se conformer à ses dispositions. Pour les microentreprises et petites entreprises, la date était fixée six mois plus tard, soit le 25 juin 2025.

 

Cependant, le 2 octobre 2024, la Commission européenne a officiellement proposé de repousser d'un an l’entrée en vigueur du règlement : au 30 décembre 2025 pour les grandes entreprises et au 30 juin 2026 pour les TPE et PME, sans que la Commission ne remette en cause ni les objectifs ni le contenu du texte.

 

POURQUOI CE REPORT ?

 

Des pays non membres UE ont signalé la nécessité d'un délai supplémentaire pour se préparer aux impacts de ce règlement. Par ailleurs, certains États membres de l’UE ne sont pas encore prêts. Le Parlement européen et le Conseil doivent statuer d’ici la fin de l’année 2024, en suivant une procédure accélérée avec une discussion directement en plénière, sans passage par une commission spécialisée.
 

Le 14 novembre 2024, le Parlement européen a voté ce décalage de la date d'application. Il a aussi voté des amendements, lesquels doivent être négociés avec la Commission et le Conseil de l'UE. Le report est donc soumis à ces négociations. Si aucun accord n'est trouvé entre les 3 instances, les entreprises seront soumises aux exigences initiales du RDUE au 1er janvier 2025.

 

Les choses ont vraiment commencé en avril 2023, lorsque le Parlement européen a adopté ce règlement à une large majorité (552 voix pour, 44 contre, 43 abstentions). Publié en juin 2023 au Journal Officiel de l'Union européenne, ce texte est désormais incontournable pour les entreprises.

 

Pour approfondir, consultez :

  • Le premier webinaire du Commissariat général au développement durable (CGDD) consacré à la présentation des obligations des entreprises (20 avril 2023) ;
  • Le second webinaire du CGDD sur la mise en œuvre du RDUE (22 novembre 2023).

 

LES OBJECTIFS DU RDUE

 

Ce règlement vise 3 objectifs fondamentaux :

  • La protection de l’environnement, dont le volet principal sur la protection et sur la préservation des forêts ;
  • La légalité et la durabilité : les commodités concernées doivent être produites conformément aux lois nationales du pays de production et au droit international applicable ;
  • Le respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

 

Les objectifs spécifiques du RDUE sont les suivants :

  • Réduire le risque que des produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts soient importés ou exportés par le marché européen ;
  • Stimuler la demande et le commerce de produits et de matières premières n’ayant généré aucune activité de déforestation ou de dégradation des forêts ;
  • Transformer les chaînes d’approvisionnement en améliorant leur transparence et en veillant à ce qu'elles ne soient plus associées à des sources de déforestation.

 

LES MATIÈRES PREMIÈRES VISÉES PAR LE RDUE

 

Le règlement couvre sept matières premières et leurs produits dérivés :

  • Le café : torréfié, décaféiné, coques et pellicules de café, succédanés contenant du café ;
  • Le cacao : fèves et brisures de fèves torréfiées ou non, coques, pellicules, autres déchets, beurre, graisse et huile de cacao, poudre et pâte de cacao même dégraissées, chocolat, etc. ;
  • Le caoutchouc : naturel, gommes naturelles analogues sous diverses formes, caoutchouc mélangé, fils et cordes, courroies, pneumatiques, etc. ;
  • Les produits issus du palmier à huile : dont ses noix et amandes, huile de palme et de palmiste, tourteaux, différents acides, glycérol, etc. ;
  • Le soja : fèves, farine de fèves, huile et fraction raffinée ou non, tourteaux, etc. ;
  • Le bœuf : viandes fraîches, congelées ou réfrigérées, abats comestibles, cuir et peaux, etc. ;
  • Le bois : brut, de chauffage, sous diverses formes, et tous ses dérivés, comme le papier imprimé, la laine de bois, les panneaux de particules, le charbon de bois, les meubles, les outils, etc.

 

Pour une liste plus détaillée de tous ces produits dérivés, vous pouvez consulter la page 38 du règlement (texte téléchargeable dans toutes les langues de l'Union européenne).

 

Les entreprises devront prouver que la production de ces produits respecte la loi du pays d'origine et n'a pas entraîné de déforestation ou de dégradation forestière depuis le 31 décembre 2020, date de référence, dite date de « cut off ». Elle correspond aux engagements internationaux existants :

 

  • aux objectifs de développement durable de l'Organisation des Nations unies, Déclaration de New-York sur les Forêts ;
  • aux actions de la Commission européenne : communication intitulée Intensifier l'action de l'UE pour protéger et reconstituer les forêts du monde, le Green Deal européen, la stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, et la stratégie De la ferme à la table.

 

Le RDUE étant un règlement, il devra être adopté de manière uniforme par tous les États membres de l’UE, contrairement à une directive qui nécessite une transposition dans le droit national.

 

Des examens périodiques du texte auront lieu, a priori au bout d’1 an, 2 ans, puis 5 ans, pour inclure dans le périmètre d’autres terres boisées et systèmes riches en biodiversité telles que les tourbières, éventuellement intégrer le secteur financier, le maïs et les biocarburants d’huile de palme dans son champ d'application.

 

L'ÉVALUATION DES RISQUES DANS LE CONTEXTE DU RDUE

 

Après l'entrée en vigueur du RDUE, seuls les produits qui respectent les conditions suivantes pourront être importés dans l’Union européenne ou exportés depuis l’Union européenne :

 

  • Les produits exempts de déforestation, définie par le règlement comme « conversion, anthropique ou non, de la forêt pour un usage agricole ». En d'autres termes, les produits ne doivent pas contenir, être nourris avec, ou être fabriqués/produits (1) à partir de matières issues de terres déforestées après le 31 décembre 2021 (2). Pour les produits du bois, ils doivent provenir de forêts exploitées sans dégradation après cette même date.

 

  • Les produits fabriqués/produits en conformité avec la législation du pays de production, respectant les droits d’utilisation des terres, la protection de l’environnement, la règlementation forestière, le droit du travail, les droits de l’homme, le droit des tiers, le principe du consentement préalable libre et éclairé (CPLE) y compris conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et la fiscalité, le commerce, la réglementation douanière et la lutte contre la corruption. Le cadre d’application du RDUE va donc au-delà de la seule réglementation forestière.

 

  • Les produits ayant été soumis à une déclaration de diligence raisonnée. Les distributeurs et les commerçants des produits concernés seront tenus, en examinant leur chaîne d'approvisionnement, de prouver l'absence de risque de déforestation ou de démontrer la maîtrise de ce risque. Trois principales étapes sont nécessaires : la collecte d'informations, l'évaluation des risques basée sur ces informations, et la démonstration de la maîtrise du risque, le cas échéant, par la mise en place de mesures et d'actions. Les déclarations de diligence raisonnée seront enregistrées sur une plateforme numérique officielle.

 

LES PRÉPARATIFS POUR L'APPLICATION DU RDUE

 

Tous les deux mois d'ici au 30 décembre 2024, une soixantaine de parties prenantes, dont les États membres de l'UE, se réunissent au sein d'une plateforme dédiée à la déforestation, où toutes les filières sont représentées.

 

Sous la présidence de la Commission européenne, ils évaluent les progrès dans la mise en œuvre du texte et répondent aux questions. Les candidatures pour toutes les filières pouvaient être déposées avant septembre 2023.

 

Voir la liste de toutes les filières

 

Si votre organisation est concernée par l'application du RDUE, vous pouvez contacter le représentant de votre filière qui transmettra vos questions et suggestions à la Commission. À noter aussi que la Commission européenne a publié une FAQ détaillée en anglais, mise à jour pour la dernière fois en octobre 2024.

 

En complément de cette plateforme, un groupe de travail informel rassemble des représentants des États membres de l'Union européenne. Leurs travaux contribuent à la FAQ mentionnée précédemment et aux futurs documents de cadrage.

 

Deux groupes de travail ont également été formés, regroupant des expert·es sélectionné·es par la Commission parmi les membres de la plateforme :

  • Un groupe "Petits producteurs" visant à faciliter leur préparation et leur intégration dès la mise en application du texte (leur première réunion a eu lieu en décembre 2023) ;
  • Un groupe "Traçabilité" devant se réunir pour la première fois début 2024.

 

Les résultats de leurs travaux seront partagés sur la plateforme.

 

 

Divers outils sont prévus :

  • Un document d'orientation fournit des explications détaillées pour faciliter la mise en œuvre du texte : des définitions de termes spécifiques tels que «risque négligeable») et tout un pan sur les termes relatifs à l'usage agricole, ce qui est inclus ou non dans le terme «produit» (considère-t-on aussi l'emballage ?), le cas des produits composites, etc.
  • Des lignes directrices spécifiques sur l'usage agricole, à paraître fin 2024 ou début 2025 ;
  • Un système d'information, une interface où seront enregistrées les déclarations de diligence raisonnée. Un test pilote a eu lieu en décembre 2023 avec une centaine d'entreprises, d'autres sont prévus (les entreprises intéressées doivent signaler leur intérêt à leur représentant de la plateforme, puis une sélection sera faite par la Commission). Deux vidéos sont accessibles sur la page dédiée au registre des déclarations. Elles permettent de voir comment soumettre en ligne une déclaration de diligence raisonnée et comment en créer une nouvelle à partir de la copie d'une déclaration déjà soumise par l'opérateur. Le guide d'utilisation de la plateforme est aussi téléchargeable à cette adresse depuis le 1er octobre 2024.
  • Des formations sur l'utilisation de l'interface d'enregistrement des déclarations de diligence raisonnée. Les instructions pour postuler aux sessions de formation devraient être disponibles sur la page web dédiée en octobre 2024.

 

Enfin, tout le monde peut s'inscrire à la lettre d'information de la Commission relative au RDUE. Un moyen idéal pour prendre connaissance des dernières actualités relatives au RDUE. Il suffit de cliquer sur le lien Sign up for our Newsletter qui se trouve en bas de la page de la Commission dédiée à ce règlement.

 

 

UN FUTUR OBSERVATOIRE EUROPÉEN DE LA FORÊT

 

Dans le cadre des travaux préparatoires mentionnés ci-dessus, un Observatoire européen de la forêt est en cours de création en conformité avec le RDUE. Cet observatoire comprend plusieurs volets, notamment :

  • Un suivi satellitaire du couvert forestier mondial à partir de 2020, permettant l'identification des phénomènes de déforestation à court, moyen et long terme ;
  • Des informations sur les flux commerciaux, détaillant la nature, le volume et la direction des flux de produits et de sous-produits entre les pays et les régions.
  • Divers outils de surveillance des forêts, incluant l'analyse quasi en temps réel de séries temporelles de données satellitaires, l'analyse de la structure du paysage, la distribution des espèces d'arbres en Europe, etc.

 

Les premières cartes de l'Observatoire européen des forêts sont disponibles depuis décembre 2023.

 

En conclusion, notons les prochaines échéances à la fin de 2024 : la publication de l'évaluation des pays et des régions à risques. Soulignons qu'aucun pays ou zone ne figure actuellement dans cette catégorie. À l'échelle nationale française, une autorité compétente a été désignée fin 2023, et des travaux sont en cours pour aligner ses attributions sur les services de l'État concernés.

 

En considérant la date initiale d'application, les premiers contrôles débuteront en 2025. Cependant, le potentiel décalage de cette date repoussera peut-être ces contrôles. Quoi qu'il en soit, toutes les entreprises doivent être prêtes.

 

L'équipe Empreintes sociales d'EVEA est disponible pour vous informer et vous accompagner dans vos projets liés à cette réglementation. Cela inclut l'analyse de votre ou de vos chaînes d'approvisionnement, l'identification des risques liés à la déforestation et au non-respect de la législation nationale en matière environnementale et sociale, que ce soit via une analyse du cycle de vie sociale ou d'autres méthodes.

 

Les pages clés :

 

Et pour aller plus loin :

 

Pauline Roignant, responsable Veille chez EVEA

_______________________

 

(1) La date de production correspond à la date de récolte. Pour les animaux, elle correspond à la durée de vie de l'animal, abattage inclus (cette information doit être connue et transparente pour tous les lieux d'élevage)

(2) Les données doivent être conservées pendant 5 ans

 

 

 

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